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20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 23:03

Cinquante ans après la disparition de l’intellectuel algérien Jean El Mouhoub Amrouche, l’Algérie officielle lui refuse les ors de la république. Des universitaires et des historiens ont appelé pour la énième fois à la réhabilitation de ce brillant militant indépendantiste.


 

Le directeur du TRB, Omar Fatmouche, a insisté lors de l’hommage qui lui a été rendu au théâtre régional de Bejaia sur le devoir de mémoire à l'égard de l'une des «grandes sommités de la littérature et du combat politique ». L’anthropologue Tassadit Yacine a abondé dans le même sens, en évoquant la nécessité de réhabiliter la pensée et l'œuvre de Jean Amrouche, le militant nationaliste. «Il a été mis à l’écart par le pensée unique (…) Revenir sur Amrouche, c’est retrouver la part occultée et niée de l'Histoire et de nous-mêmes », dira l’enseignante-chercheure à l’EHESS-Paris durant la première journée d’un colloque consacré à cette figure du mouvement nationale.

 

Selon elle, la réflexion politique de l‘enfant d’Ighil Ali sur la domination a transcendé même le fait colonial français, en s’inscrivant dans une forme d’universalisme. L’ami d’Abane Ramdane et Ferhat Abbas espéraient, comme certains dirigeants progressistes du FLN,  voir émerger après la fin de la guerre, une patrie plurielle à laquelle il savait qu'il ne pouvait prétendre à une place au panthéon, d’après Mme Tassadit Yacine.

 

L’historien algérien Madjid Merdaci a estimé, pour sa part, que l’engagement de l’intellectuel Amrouche «était chevillé au mouvement  national» et ses prises de positions contre le colonialisme français étaient osées et  risquées. «En tant qu’intellectuel, il était dans l’obligation de s’exprimer sur le destin de son peuple. Sa pensée était d’une grande rigueur », a-t-il précisé. Outre sa dénonciation publique de la colonisation via ses écrits politiques, Amrouche, a ajouté l’historien, était un homme d’action pour avoir été l’intermédiaire officieux entre le général De Gaulle, avec lequel il était proche, et les dirigeants historiques du FLN. Il a rappelé que l’occultation  de  l’apport tant littéraire que politique d’Amrouche s’explique par le caractère aussi violent et qu’autoritaire du régime algérien, post-indépendance qui abhorre les intellectuels, en notant que beaucoup d’entre eux, même de confession musulmane, ont subit le même sort.  Pour M. Merdaci, il est grand temps de « renationaliser Amrouche et le remettre dans l’espace publique ». 

 

Pierre Amrouche, fils de Jean El Mouhoub, est revenu, non sans émotion, sur la vie tourmentée, l’œuvre et le combat politique de son père. «La misère dans laquelle vivaient les algériens le révoltait. Il en était scandalisé aussi par la politique des camps de concentration qu’il qualifiait de génocide », a fait savoir cet éminent expert en art africain, rappelant que la famille Amrouche, en dépit de sa naturalisation française, a subi brimades et humiliations. « Français de seconde zone pour les français et renégats pour les algériens », dira  Pierre Amrouche.  

 

Durant la guerre de libération, le journaliste Amrouche dénonçait, jusqu’à son dernier souffle, dans la grande presse française, les pratiques de la machine coloniale et appelait à la décolonisation de l’Algérie.  «Ses textes dérangeaient beaucoup les politiques français  de l’époque», se souvient son fils. En signe de représailles, il était viré de la radio française par le premier ministre Michel Debré, fervent partisan de l’Algérie française. Et sa belle famille, comme ses amis, lui avaient tourné le dos.

 

Interrogé lors des débats sur les archives de son père, le fils a affirmé avoir proposé de les confier à l’Algérie, mais que sa proposition «était tombée dans un silence total». Pierre Amrouche a par ailleurs déploré qu’aucun hommage officiel n’ait été rendu à son paternel ni en Algérie, encore moins en France.

El Watan

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26 mai 2012 6 26 /05 /mai /2012 20:02

«Touché à mort, mais entraîné et libéré par son épuisante noria, il est, selon son expression, sorti du purgatoire. » En si peu de mots, Réjane Le Baut, docteur es lettre, dit tout de l’itinéraire de Jean El Mouhoub Amrouche (1906-1962), poète et intellectuel d’expression française.

A l’aide de quelques dates et textes écrits par Jean Amrouche, Mme Le Baut a retracé, au cours d’une conférence organisée lundi au Centre diocésain d’Alger, le parcours douloureux d’un homme partagé entre sa foi chrétienne, sa condition d’intellectuel colonisé et ses origines berbères.

La première étape de sa vie, qui s’étale de 1938 jusqu'à 1944, évoque un « Jugurtha, soufrant qui avance masqué». Ses recueils poétiques de jeunesse expriment « la solitude et le désespoir qui révèlent son drame », dit Mme Le Baut qui vient de publier aux Editions du Tell (Blida) un ensemble d’émissions radiophoniques et de conférences inédites données par l’écrivain sous le titre « Lumière sur l'âme berbère d’un homme de la parole : Jean El Mouhoub Amrouche ».

Mal à l’aise dans son alvéole, Amrouche, figure moderne de Jugurtha, son héros éponyme, trouve sa « force » dans un retour salvateur aux sources, en traduisant en français les chants berbères en 1939. A Radio-Tunis, il analyse les rapports entre Orient et Occident et militepour la préservation du patrimoine berbère ignoré ou occulté. Des 1943, qui correspond à la seconde tranche de son parcours, il s’implique dans « un nouveau combat » à Alger puis à Paris dans la revue littéraire l’Arche, crée par son ami André Gide, sous l’ordre du général De Gaulle dont le but était de contrer la propagande de l’autre revue, la NRF collaborationniste du régime nazi. La troisième étape de ce cheminement, selon Mme Le Baut, s’étale de 1944 jusqu’à 1954, durant laquelle Amrouche était hanté par la question des déracinés créée par la colonisation. Sa confiance en la France « mythique » sera ébranlée à tout jamais par les massacres du 8 Mai 1945.

Ses articles de presses et conférences développent progressivement un discours politique qui battait en brèche toute politique d’assimilation entre algériens et français. Après le naufrage de la revue l’Arche, il entame une nouvelle aventure, réalise environ 363 émissions radiophoniques entre octobre 1948 et 1959. A la radio, il inaugure un genre inédit pour l’époque : les Entretiens littéraires avec les grands noms de la littérature française du temps (Gide, Mauriac, Jouhandeau, Claudel).

« Livré à visage découvert », l’ultime combat de Jean Amrouche, selon Mme Le Baut, débute avec la guerre de libération. Il amorce un ultime virage,se tourne tout naturellement vers le général de Gaulle, multiplie les articles, une soixantaine, dans la grande presse française, s’adresse aux politiques et interpelle les intellectuels. «L’autodétermination était son cheval de bataille».

Cet engagement tranché, Jean Amrouche le payera : ses amis se détournent de lui, sa belle-famille d’Alger lui adresse une lettre de rupture pleine de mépris, la radio française l’exclut sur ordre du premier ministre, Michel Debré. Son émission Des Idées et des hommes est supprimée deux semaines plus tard. Il est même menacé par l’OAS en 1961. Il continue malgré les difficultés àplaider de 1958 à 1961 la cause algérienne sur les ondes de Radio suisse, Lausanne et Genève. Jusqu'à denier moment, Il fera office d’auto-émissaire officieux entre de Gaule et les instances du GPRA. « Par sa dualité, il était tenu pour suspect par chacune des parties», estime l’universitaire, ajoutant qu’Amrouche était « sans illusion » sur son avenir personnel tant en France qu’en Algérie. « Analyste politique très réaliste, Il avait compris que le ciment du futur État algérien serait pour longtemps la langue arabe et la religion musulmane. Chrétien et français, il n’avait pas sa place », explique-t-elle.

Cinquante ans après sa disparition, en avril 1962, Amrouche est frappé d’ostracisme en Algérie et inconnu en France. Mme Le Baut insiste sur le devoir « de justice et vérité », nécessaires pour sa réhabilitation dans le panthéon de lettres et de l’histoire de son pays. Selon elle, Jean Amrouche est toujours actuel : « L’aura de sa personne, de son action et de son œuvre nous invitent à nous réfléchir au destin de ces milliers d’humiliés et d’exilés, assignés à une seule identité génétique alors qu’ils sont multiples et porteurs de valeurs ignorées ouméprisées. »

El watan

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24 mai 2012 4 24 /05 /mai /2012 08:46

 

Itinéraires interdits, récit bouleversant de notre collègue Chreddine Berriah, journaliste (52 ans), sur la question des migrants clandestins, est sorti hier en France aux éditions Le chasseur abstrait (collection Lettres Terres). À l’origine le récit devait s’intituler « Sans ordre mission » et été attendu en 2008.

 

 

Le récit s’ouvre sur un événement tragique : l’assassinat de Aissa le Borgne, alors qu’il tentait de franchir l’ultime rempart le séparant de la terre promise, et se développe autour des faiblesses, des abandons et des déchéances de l’être humain dans sa traversée clandestine. 

 

 

 

« Une balle retentit de nulle part et mit douloureusement à terre Aïssa le Borgne (….) Du haut du mur en fer qui s’élevait continuellement vers le ciel grisâtre, Maria exécutait discrètement le signe de la croix (…) Subitement, le ciel s’assombrit puis déféqua brutalement une pluie ravageuse. Un pet sonore ébranla les fesses squelettiques d’Aïssa qui, dans un ultime râle, rendit l’âme, un sourire sournois sur ses lèvres tuméfiées. Le Borgne ne pouvait rendre meilleur hommage à une civilisation qui venait de l’accueillir dans une sépulture sans épitaphe. »

 

 

Mêlant fiction et réalité, fol espoir d’une vie meilleure et folie des hommes, cet opus (110 pages) retrace l’expérience vécue par notre collègue au contact des communautés subsahariennes massées le long de l'Oued Jorgi, célèbre camp d’apatrides situé à 4 Kilomètres de Maghnia, sa ville natale, aux frontières algéro-marocaines.

 

Pour quelques uns, la route va s’arrêter à Oued Jorji, un nom’s land disposant de son propre Souk, érigé au milieu de taudis crasseux séparés par l’Avenue Montrou. Ils s’y installent, font des affaires- parfois louches-, entrent dans le réseau des passeurs, pour quelques temps. Si l’occasion se présente, ils peuvent aussi tenter de passer en Europe.

 

Pour tous, l’objectif est d’atteindre le vieux continent, en premier l’Espagne par le Maroc : ils prennent la route de Nador, vont jusqu’à Bénissar et de là traversent à la nage (300 à 400m), pour atteindre l’enclave espagnole de Mélilla.

 

 

Dans Itinéraires interdits, qu’il a mis une année à écrire, d’une manière irrégulière, Berriah nous raconte comment son destin a changé de trajectoire suite à un reportage sur les migrants clandestins du Mali. Alourdi de ses bagages – en fait, des à-priori, des stéréotypes et autres conjectures – il emprunte, dès le départ, des chemins détournés pour arriver à destination.

 

« Je me souviens encore de ce jour », dit-il. C’est l’amour, l’humour et la mort qu’il va trouver. C’est aussi son identité d’Africain.

 

C’est, pour lui, le chétif au tient basané, le début d’une histoire invraisemblable, intimiste, que nous font découvrir Camara le Bossu, malien musulman, Eva, l’éthiopienne falacha, et Abdoullay le camerounais.

 

Tous ont fui leurs gouvernants, la misère, les guerres ethniques et les injustices d’un continent faussement solidaire. Une plèbe ne jurant que par le départ….vers le nord, aussi loin que possible. Tout au long de la lecture, au fil des pages, l’humour caustique de l’auteur se fond dans les entrailles nauséabondes du camp Jorgi où violence, haine et discrimination intra-communautaire écrasent des être déjà fortement désemparés.

 

La mort cruelle de Camara, tué par des nigériens pour avoir rouspété devant le spectacle d’une femme nue, marque une fracture entre communautés et précipite le départ de ceux qui constituent la minorité.

 

Commence alors un voyage vers l’inconnu avec comme compagnons de route Maria la Béninoise et Aïssa le Borgne. Puis, la traversée tumultueuse des territoires de l’est marocain, à destination de Melilia. Ce voyage, pour « Partir», Berriah va le vivre de l’intérieur. « Depuis ce jour, dit-il en avant propos, je me vois noir avec un cœur blanc. Depuis ce jour, j’ai enfourché mon destin vers l’inconnu… » Chahreddine invite, à travers ce récit poignant, le lecteur à prendre conscience de l’extrême détresse qu’éprouvent des milliers de déracinés en quête de liberté et de justice.

 

Une détresse encore d’actualité. En somme, un récit haut en couleurs, court et qui se lit goulûment…. L’ouvrage sera disponible prochainement en Algérie. Une fois passé entre ses mains, l’auteur prévoit d’organiser une offre dédicace à…. l'Oued Jorgi. 

in El Watan

 

 

 

Itinéraires interdits, édition Le chasseur abstrait (collection

Lettres Terres). Mars 2012 (110 pages). Prix 14 euros

 

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15 mai 2012 2 15 /05 /mai /2012 08:46
Le Journaliste Algérien Moussa Tertag nous revient avec un roman palpitant sur la décénie de sang et de blomb que furenr les années 90 en Algérie. Le roman " Le musc et le fichu", paru ce mois-ci chez EDILIVRE, est une plongée dans ce drame qui continue à ce jour.
En voici les premières pages !
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23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 09:28

Faïza Guène, qui a connu un succès fulgurant après la sortie de son premier roman Kiffe Kiffe demain (sorti en 2004 et vendu à 400 000 exemplaires), écrit à 18 ans, revient, dans cet entretien, sur son roman en cours d’élaboration, sa résidence d’écriture à Aïn Témouchent (organisée par l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel), son rapport à la langue, à l’écriture et à ses origines algériennes.

 

Liberté : Vous étiez en résidence d’écriture à Aïn Témouchent du 9 au 20 avril. Comment cela s’est-il déroulé et qu’en est-il du texte que vous avez écrit ?

Faïza Guène : J’ai pris contact avec l’Aarc par l’intermédiaire du directeur du Centre culturel algérien de Paris, Yasmina Khadra. Je cherchais un soutien au niveau de l’Algérie parce que je suis binationale et très proche de mon pays d’origine. Je cherchais un partenaire et ils se sont tout de suite proposés. J’ai vraiment apprécié et j’ai pris cela comme un encouragement, parce que je trouve que c’était dommage de ne pas avoir plus de liens avec les institutions algériennes pour mon travail. Le roman que je suis en train d’écrire actuellement traite du déracinement, et pour l’écrire, il fallait retourner à mes racines. Je me suis servie de mes souvenirs, de ce qui était familier pour moi, comme un outil pour l’écriture. Ce roman intitulé la Rééducation raconte l’histoire d’une famille qui se sépare et qui finira par se ressouder suite à la mort du père. C’est l’histoire d’une rupture familiale et une réflexion sur le rapport aux origines et à l’exil. Des questions transversales à tous mes livres. C’est une comédie sociale et, même si c’est sérieux, c’est traité d’une manière légère. C’est transversal à tous mes livres. 

 

Même si on retrouvera les mêmes questionnements, il y a certainement plus de recul, de maturité…

Je dirais que c’est plus intime que les trois précédents. Je suis restée plus en surface sur les trois précédents, mais il y avait aussi une volonté de prendre de la distance et de raconter des choses légères, même s’il y avait des thèmes assez énormes, comme l’illettrisme, la pauvreté, la solitude.

 

On vous surnomme en France “la Sagan des cités”. Êtes-vous d’accord avec ce cloisonnement, cet enferment dans une certaine littérature dite “littérature beure” ?

Je ne me définis pas comme un auteur de banlieue. En France, ils ont beaucoup dit cela, mais c’est une manière de mettre en marge les gens, de les renvoyer toujours à une situation marginale. La littérature urbaine, dite de banlieue, ça n’existe pas. Ce que je trouve contradictoire, c’est que je n’ai jamais eu l’impression d’écrire sur les banlieues. Et c’est la raison pour laquelle j’avais vraiment envie que ce livre traite de sujets de manière moins légère peut-être. 

 

Cette étiquette est également due peut-être à la langue utilisée (argot, verlan, etc.)…

Dans mon premier roman écrit à la première personne du singulier, la narratrice était une adolescente de quinze ans, et donc la langue utilisée rendait l’histoire plus réaliste. Je voulais vraiment donner une voix particulière. Mais il avait été perçu comme si j’avais écrit ma propre langue, mon journal intime, ce qui n’était pas du tout le cas. C’est un livre malgré l’argot que j’ai employé – argot employé même par les habitants du 16e arrondissement – qui a été traduit en 28 langues. Si c’était vraiment une problématique de banlieue française, cela n’aurait pas intéressé autant de monde. 

 

Vous avez un parcours incroyable et avez connu le succès très jeune. Comment vit-on le succès lorsqu’on est jeune ?

C’était énorme. Je n’ai pas été préparée donc, du coup, j’ai fait les choses spontanément et peut-être que c’était cela ma chance. Et l’autre chose, c’est que ce n’était pas une démarche de ma part d’être publiée. Je n’ai pas nourri de fantasmes, ce n’est pas comme quelqu’un qui écrit un manuscrit et qui frappe à toutes les portes de maisons d’éditions et qui se bat pendant dix ans pour publier quelque chose. Je n’avais pas d’attente, et c’était une chance parce que j’ai vécu les choses avec plus ou moins de distance. 

Je pense que je n’avais pas d’enjeux. J’ai la chance d’être dans une famille très aimante, et mon cadre familial était structurant. Je n’ai pas cherché autre chose seulement de rencontrer des gens et partager ce que j’aimais faire avec les autres, etc. Ce n’était pas une période horrible. 

 

Quel est votre rapport à l’Algérie ?

Je viens tous les ans depuis que je suis toute petite (depuis l’âge de deux mois). J’ai un rapport très affectif avec l’Algérie, puis on porte vraiment la déchirure de l’exil. Ma mère a suivi mon père en France quand elle avait 30 ans, et quand elle est arrivée, elle a mal vécu le fait de venir en France, ce n’était pas le “french dream”. Elle nous a transmis un peu ce truc, c'est-à-dire d’imaginer toujours un retour possible. Je suis née en France pourtant, mais on a toujours vécu avec ce poids. Et je m’interroge sur l’héritage qu’on a. Dans mon cas, je n’idéalise pas l’Algérie, mais en même temps j’ai un rapport d’affection, j’y ai de bons souvenirs et des gens que j’aime.

 

Paru in : Liberté

 

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7 avril 2012 6 07 /04 /avril /2012 20:36

Le conseil national des Arts et des Lettres, une institution chargée de la délivrance de la carte d'artiste, notamment, a été installé officiellement jeudi soir à Alger. 

 

L'installation du conseil s'est déroulée lors d'une cérémonie présidée par la ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, en présence d'un aréopage d'artistes de divers domaines culturels (arts plastiques, poésie, littérature, chanson, cinéma, théâtre, etc.). Le chercheur en musique, Abdelkader Bendaâmache, est le président de ce conseil, créé en 2011 en vertu d'un décret exécutif et constitué de treize membres.

 

Il s'agit de Baya Rachedi (actrice), Sonia (comédienne), Yamina Chouikh (réalisatrice), Zoubir Hellal (plasticien), Brahim Bahloul (artiste spécialiste en chorégraphie),

 

 Zineb Laouedj (romancière), Nacera Mohamedi (poétesse), Kamel Hamadi (auteur-compositeur), Hamidou (chanteur), Samira Negrouche (poétesse) et Said Boutadjine (universitaire). Font également partie de ce conseil Zahia Benchikh El Hocine (représentante du ministère de la Culture) et Abdelali Deroua (représentant du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale). Dans une allocution, 

 

Mme Toumi a appelé les membres du conseil à accélérer l'installation des deux commissions nationales permanentes chargées de la définition des critères de reconnaissance de la qualité d'artiste et de la constitution d'un fichier national des artistes. 

 

Elle a précisé que ledit conseil veillait à la protection morale et sociale de l'artiste et participait par ses avis, recommandations et propositions à la définition des éléments de la politique qui vise à promouvoir les intérêts socioprofessionnelles des artistes. Présent à la cérémonie, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, M. Tayeb Louh, a réitéré dans une allocution, l'engagement de son département ministériel à accompagner le secteur de la culture dans toutes ses démarches entreprises pour assurer une meilleure couverture sociale aux artistes.

Le Temps

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5 avril 2012 4 05 /04 /avril /2012 08:16

Josyane de Jesus-Bergey est une poétesse Portugaise d'origine, Française d'adoption et Algérienne de Coeur. Une méditerranéenne tout court. S'appyant sur "la volonté de dire du beau" comme canne, fourrant des verbes bien ciselés dans sa musette, elles sillonne, à travers le monde, les festivals et les rencontres dédiés à la poésie. Parmi ses oeuvres, on peut citer :

 - L'heure Marine, éditions Petit Véhicule, 1995

- Pour un soleil qui meurt, éditions Arcam, 1996

- De l’arbre à l’homme... jusqu’à l’épuisement de la saignée, La Bartavelle Éditeur, 1997

- La brodeuse d’écume, éditions Clapas, 1998

- L’eau Perride, La Bartavelle Éditeur, 1998

- Le temps suspensif, éditions Encres vives, 1998

- Un cheval sur l’océan, éditions Encres vives, 1999

- Ne me raccompagnez pas, je suis pressée, La Bartavelle Éditeur, 2000

- Comme une confession de pierres - Eldjazaïr, La Rochelle, éditions Rumeur des Ages, 2003, (textes traduits par le poète tunisien Mohamed Rafrafi ).   

- Ce n’est pas parce que la porte s’est refermée, éditions Rumeur des Ages, 2003

- Amulettes, éditions Encre et Lumière, mars 2009 , avec des peintures de Hamid Tibouchi

Sur cette photo, Josyane de Jesus-Bergey avec la Syrienne Maram Al-Masri

En cette année 2012, elle se prépare à nous revenir avec un nouveau recueil dont le titre serait " Pourquoi ces vies qu'on efface". le recueil s'annonce beau et touchant tant la thématique tourne autour de l'enfance et de la guerre. Josyane de Jesus-Bergey, à l'instant arc-boutée sur son manuscrit pour les derniers correctifs avant publication, nous a aimablement autorisé la mise en ligne de ces quelques extraits. Qu'elle trouve ici l'expression de notre profonde gratitude.

 

Extraits :

 

01

Dans ces pleurs d’enfant venu d’ailleurs

j’ai la mort

inscrite en nos mémoires

il y avait l’autre

il y avait  nos murs

et la terre éclatait

nos murs s’écroulaient

Pourquoi ce jour qui n’en fini pas

Pourquoi ce ciel qui pleure

et cette cage

qui s’ouvre sur vos haines ?

 

Terre lourde

Terre maudite

 

Trop de linceuls

Trop de mensonges

et

Ce temps

Ce temps

qui détruit l’enfance

Dis Pourquoi ?

----

02

S’il ne suffisait que le silence

de ces heures

ou le pas de mon père

claudiquant

sortant de ses sacoches

les dernières tomates du jardin

alors je serais

cette enfance

 

Tête haute

je crierais mes peines      mes joies

à peine libérée pourtant

de  mon nom

comme croix des hommes

de ce fil des heures

passées sous silence

de ces jours sans amour

quand toi l’enfant

espoir du lendemain

m’ouvre la route

me faut-il croire encore ?

-----

 

03

J’ai retrouvé dans ces déchirures

du temps

les grappes lourdes de nos vendanges

les pas de l’enfant

le sabot du cheval

dans la prairie

 

J’entends dans ma mémoire

ton rire  venu d’ailleurs

tes mots

sans les comprendre

 

Mais je sais

que d’ici où de là-bas

c’est toujours un autre moi que j’entends !

------

Josyane De Jesus-Bergey 2012 ( Tous droits réservés )

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3 avril 2012 2 03 /04 /avril /2012 14:30


couverture-offcielle.jpg

 

Vous pouvez commander ce livre en cliquant sur ce lien  webmaster fleches fleche gif 85 gif: EDILIVRE

  A la lumière tamisée de la lampe de chevet, Elle fit balader son regard le long des moulures installées à la jonction des murs et du plafond, et qui donnaient pour l'ensemble un relief magnifique. Elle se sentait légère comme une feuille de vigne qui planait au grès des premières brises automnales. Le voyage du matin n'avait pas eu prise d'elle, et le sommeil semblait bouder son corps.

Tassadit regardait le plafond de plâtre, et dans sa tête, il neigeait des flocons d'images.

 

_____________________

 

- Hommes de pierres, profitez des derniers soubresauts de la nuit, celle que vous avez décrété quand la peur et le doute mordaient de pleines dents nos âmes ! L'écroulement de votre empire est proche, les murs de votre arrogance se fissurent ! N'entendez-vous pas ses craquelures ? Déchaînez vos derniers instincts enragés, la fonte de vos chaînes est pour demain !

Personne ne sort, personne ne lève le doigt. Personne ne montre son bout de nez.La peur a pris ses quartiers dans les cœurs des mâles. La voix de Aicha glisse sur les toits des maisons, inonde les ruelles, plane sur les champs, se faufile entre les arbres, glisse le long des ravines. Partout, elle se décline vérité, jugement divin, sort incontournable, coulée imparable. Elle souffle comme une bourrasque étourdissante dans les oreilles des gardiens des temps écoulés.

Fatiguée, probablement déçue de ne pouvoir griffer un visage d'homme, elle avale d'une traite la ruelle qui mène à la mosquée. Sur le minaret, elle se dresse face à la montagne, nue, toute nue – sa robe est accrochée à l’épi de faîte qui orne le dôme doré et flotte comme un étendard à la gloire des femmes martyrs - et d'une voix cristalline, celle d'un muezzin des temps insaisissables, elle crie à la face du ciel :

-Gloire à Dda Idir ! Gloire à Dda Idir ! Gloire à Dda Idir !

 

 

[ Extrait du roman : Le musc et le fichu, de Moussa Tertag ]

 

La presse en parle
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15 mars 2012 4 15 /03 /mars /2012 08:28

cette inscription de l'histoire réelle, insérée dans une histoire fictive et dans une histoire mythique, se révèle parfaitement éducative et instructive dans une oeuvre littéraire qui se donne pour mission d'inventer et même surtout de réinventer le vivre humain.

Le rêve laissé à AlgerPour ce faire, si l'on a conscience qu'aucun écrivain n'est assez grand, on ne peut a contrario douter que son art ne l'oblige spontanément, par sensibilité et par devoir, à reconstituer, point par point, les difficultés, les rancoeurs et les espérances de ceux qui, pour une seule petite seconde de vie hypothétique, tiennent le pari de s'offrir au péril. Partagé par leur douleur et leur vérité, l'écrivain responsable ne peut qu'essayer de les comprendre, de les ramener à l'espoir, non de les juger... En rapport avec ce qui nous intéresse ici, c'est un aspect fort de l'intention de l'écrivain qui est tout tracé dans l'épigraphe que Yasmina Khadra a placée en tête de son oeuvre: «Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir (Frantz Fanon, Les Damnés de la terre).»
Ce dur exercice de la conscience d'écrivain, nous le retrouvons de nouveau dans ces «douze nouvelles», réunies sous le titre Les Chants cannibales (*): Wadigazen, El Aar, Les portes du ciel, Le faiseur de paix, L'aube du destin, Une toile dans la brume, La longue nuit d'un repenti, Yamaha l'homme qui riait, Le Caïd, Absence, Holm Marrakech et L'incompris. Sans doute, l'aura-t-on déjà remarqué, les titres de ces nouvelles et les noms et surnoms très significatifs des protagonistes sont autant de symboles, autant de sujets de réflexion où souvent l'auteur bouscule de sa verve généreusement ironique ou superbement indignée des idées préconçues, où brillamment le monologue intérieur reflète l'âme des personnages: tel Wadigazen («qui veut dire je viens, je suis venu»), «Maître» de «chaque oasis» et qui devient «plus ardent que l'harmattan» afin de ne jamais cesser d'être «semblable à un grain de sable [qui] taquine l'engrenage du temps»; telle aussi l'histoire poignante de tante Yamina que «l'opprobre» (El Aar), levé dans la calomnie contre elle, soumet au jugement des vieux démons; tel Sidi Flih, «Marabout itinérant et attendu, [qui] marche vers les hommes pour les sauver d'eux-mêmes. Il conjure leurs vieux démons, tel un furet lâché dans un poulailler.»... Laissons entier au lecteur le plaisir de lire et de découvrir, dans ces nouvelles, les brûlantes saveurs socioculturelles racontées et l'une des atrocités historiques, parmi les cruautés inouïes imaginées par le système colonial, qui font s'élever des terrasses de la Casbah les youyous de l'honneur et de la liberté, le 19 juin 1956, 04 heures du matin.
Ainsi, Yasmina Khadra nous revient après L'Équation africaine dont la résolution exige de l'Occident aisé beaucoup de renoncement à ses appétits de conquérant et beaucoup de tempérance - acte de foi dans la sagesse humaine - tout simplement en ne négligeant pas la souffrance d'un peuple en proie à la violence interne qui fait de lui «un monde inconnu» et «sauvage». Soyons également avertis que ce titre «Les Chants cannibales» n'a rien à voir avec «Les Chants de Maldoror», épopée fantastique du xixe siècle et oeuvre colossale du Comte de Lautréamont, décrivant la furieuse adolescence de Maldoror face à la misère humaine et, moins encore, avec le titre (incluant un vocable homophone) «Les Champs cannibales» de l'écrivain universitaire Roman Rijka qui raconte l'enquête de la journaliste Tatyana Duchesne dans l'empire de son amie Olga, princesse déchue. En conséquence, on aura bien compris que les «chants» sont ici, selon la définition classique, les «parties d'un poème épique ou didactique».
Nous pouvons alors dire que Yasmina Khadra nous plonge dans un monde qui ne nous est pas inconnu. Au reste, le choix de publier Les Chants cannibales en Algérie est heureux, car utile et donc bon pour le moral et, de plus, l'auteur n'admet pas le malheur injuste de l'homme où qu'il se trouve. Dans cette oeuvre, tous les textes ont en commun le rêve contrarié de l'Algérien, - mais à chacun son rêve. Néanmoins, toujours une leçon pleine de bon sens est tirée, souveraine comme dans la nouvelle «Une toile dans la nuit» (et pourquoi pas «une étoile dans la nuit»?) qui est, me semble-t-il, l'écho central - l'espoir dominant - des thèmes très divers aux multiples interprétations de l'oeuvre. Cette nouvelle se résume dans un message inattendu que l'artiste-peintre de Bab-El-Oued a adressé de Londres à son ami serveur au café du Blidi. Déprimé par ses désillusions, cet artiste avait décidé, un jour, de prendre le semi-rigide pour l'étranger. Voici les quelques lignes de ce message: «Tu as raison. Si nul n'est prophète dans son pays, personne n'est maître chez les autres... Nous étions huit sur le semi-rigide. Six n'ont pas survécu. J'erre dans la grisaille de Londres. Sans repères et sans papiers. Je suis venu chercher un rêve et je me rends compte que je l'ai laissé à Alger.» Et l'on peut conclure avec ce dicton: Wal hadith qiyâs! Et le propos en est une juste mesure!» On imagine bien ces «appels qui mangent l'homme», qui se chargent de son destin et que lui, humain appauvri par tant de malheur, accepte d'y répondre avec courage, espérant, quels que soient les sacrifices, donner un sens à sa vie. En décrivant la réalité et en dépassant par son imagination créatrice les événements et la fonction des personnages, l'auteur entraîne notre propre imagination vers un vrai rêve, celui où la vision artistique est séduction pour éduquer et instruire. Yasmina Khadra sait de quoi il parle: le nomade spirituel n'est jamais loin, mais la coquetterie de l'écrivain - son écriture et la pertinence de son propos - a vocation encore de nous inciter à le suivre en toute confiance.
Dans Les Chants cannibales, l'histoire racontée tient beaucoup plus au seul récit qui lui-même tient au court roman qu'au genre classique de la nouvelle. Ici, point de nouvelle au titre «locomotive» donnant le ton à l'ensemble. Ici les textes se présentent comme unité de pensée qui se développe en toute liberté, selon un rythme, un ton, un suspense, une hardiesse de style, - et quelle plénitude dans le caractère des personnages! Aussi, une vertueuse écriture de mots forts et sensibles, s'impose-t-elle naturellement comme fatalité à l'homme-personnage qui la refuse pour accéder au bonheur dont il se sent vidé à l'instant où la frustration d'une vie juste s'éveille quelque part en lui. D'où l'on devine les «chants», les chants cannibales - sûrement -, mais les chants personnels formés par la volonté de ne jamais désespérer. Voilà donc que l'humaine condition se tient puissamment dans une histoire dont le fil conducteur n'est autre que lui-même. Voilà une leçon de philosophie exaltante dont la cohérence est constituée de la seule vie qui vaille, celle de l'homme indigné de tout ce qui dévore l'homme, de tout ce qui dénature la politique, la société, la morale, la foi, la loi, le sens de la vie. L'homme, qui évolue dans son pays confronté à des situations ambiguës, angoissantes, graves et qui stagne à l'étranger, souffrant des déceptions dramatiques et subissant les hostilités de l'exil, épuise ses vives ressources humaines à force de lutter contre sa solitude, un face à face avec lui-même, éprouvant, mortel au bout du long chemin parsemé d'échecs, à force de refuser la résignation. Mais, au vrai, il reste que la promesse du bonheur, le bonheur - tout court - est en l'homme, lorsque l'homme se réconcilie avec lui-même: Tante Yamina, victime d'une société dénaturée, ne dit-elle pas à son époux: «Et s'ils veulent que le sang coule encore, laissons-les à leur mort et allons ailleurs semer la vie. L'honneur est en celui qui refuse de le confier aux autres.». Dure réalité pour l'homme, amère vérité aussi qui fissure la face de son orgueil. Il court alors vers les Ancêtres et se réfugie dans leur foi. Pourquoi n'aurait-il pas raison? Le drame intérieur de tout homme est respectable lorsque s'y mêle la saine humilité de sa propre conscience. L'essentiel est qu'il ne se détourne pas de son chemin qui le ramène à sa mère patrie, c'est-à-dire à sa conscience.
Si l'on ajoute quelque peu de ce dont on est sûr (l'admirable talent de Yasmina Khadra, sa langue ici plus nerveuse, plus incisive, plus riche en poésie et en formules éclatantes, que jamais), on gagne encore beaucoup à reconnaître comme juste ce qu'aucun mystificateur distingué n'a dit de sa propre expérience d'écrivain, et on le voit bien dans cette sincère confidence à voix haute: «J'espère que Les Chants cannibales traduiront la palette de mon écriture qui change en fonction des atmosphères et des rythmes que j'essaye d'articuler autour de mes personnages. Mes nouvelles n'ont pas la même structure ni le même ton. C'est une façon, pour moi, de domestiquer mes sujets et de bousculer ma vocation de romancier jusque dans ses derniers retranchements. Du lyrisme à la sècheresse du ton, je m'applique à restituer les émotions et les états d'âme sans lesquels aucune trame n'a de raison d'être.» Succédant à l'étrange Holm Marrakech, où le rêve perdu-retrouvé prépare à l'amour infini, L'Incompris, de la dernière nouvelle des Chants cannibales, conçoit enfin une espérance ouverte, une contemplation émerveillée d'une beauté à venir, une promesse de bonheur formé à la certitude du verbe de l'intelligence, de l'esthétique et de l'action. Là même est, à mon sens, «toute la raison d'être» de l'oeuvre de Yasmina Khadra.

(*) Les Chants cannibales de Yasmina Khadra, Casbah Éditions, Alger, 2012, 208 pages.

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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 10:04

Fadéla M’rabet est née à Skikda en 1936. Elle est élevée dans un milieu oulémiste, son père étant un proche ami de Ben Badis. Ce père, cultivé et éclairé, l’envoie en 1954 faire des études supérieures de sciences à Strasbourg. A Skikda, le père de Fadéla est le premier à envoyer ses filles à l’école. Docteur en biologie, Fadéla M’rabet a été maître de conférences et praticienne des hôpitaux à Broussais - Hôtel-Dieu (Paris).

Elle a publié deux livres retentissants La Femme algérienne (Maspéro, 1965) et Les Algériennes (Maspéro, 1967), alors qu’elle animait des émissions à la Chaîne III de la radio avec son mari Maurice Tarik Maschino de 1963 à 1967.

Elle publie aussiL’Algérie des illusions, en collaboration avec Maurice Tarik Maschino (R. Laffont, 1972) ; Une enfance singulière... en Algérie (éditions Balland, 2003, réédition ANEP) et Une femme d’ici et d’ailleurs.

Quand elle donne des conférences, il arrive que des femmes, mais aussi des hommes, viennent l’écouter avec à la main La Femme algérienne qu’elle a écrit en 1965 ou Les Algériennes (1967).

Fadéla M’rabet est une féministe de première heure. « Ma génération s’est battue pour la dignité, que ce soit en Algérie ou en France (...) A travers une émission de radio, j’ai tenté de donner la parole aux jeunes filles qui vivaient dans des conditions lamentables. Elles étaient soumises au mariage forcé. Leurs parents n’avaient jamais imaginé que leurs filles allaient mettre fin à leur vie. (...) Ceci a vraiment gêné le gouvernement de l’époque à tel point qu’on bloquait le courrier qui nous était adressé. J’ai même été convoquée par le ministre de l’Information de l’époque et il m’avait dit que j’étais trop impatiente et qu’il était prêt à sacrifier les femmes pour sauver la révolution », écrit Fadéla M’rabet dans Une Enfance singulière... en Algérie (éditions Balland, 2003).

Elle écrit aussi : « J’ai l’impression que depuis ma naissance, il y a 69 ans, je ne cesse d’entendre parler de la même chose, le voile, la polygamie, la répudiation (...) Le tutorat qu’on veut absolument conserver relève à mon sens du proxénétisme quand il concerne la femme majeure. »

Et d’ajouter dans le même livre autobiographique : « Il faut vraiment que les hommes nous méprisent pour inscrire notre nom dans une case du livret de famille avec, en attente d’être occupées, trois autres cases - comme autant de niches à lapines. Ou encore, pour décider du mari qui nous convient. »

Lynchage médiatique

Fadéla M’rabet a écrit La Femme algérienne (1965) et Les Algériennes (1967) à la suite des émissions qu’elle animait à la radio Chaîne III avec son mari, Maurice Tarik Maschino, militant de l’indépendance de l’Algérie.

Ils avaient trois émissions : « Cinq minutes d’histoire de l’Afrique », « Le magazine de la jeunesse » où les jeunes parlaient de leurs problèmes et une émission littéraire qui s’appelait « Des livres et des hommes ». Elle nous raconte : « Au bout d’un certain temps, surtout avec "le magazine de la jeunesse", on recevait beaucoup de lettres de filles qui m’appelaient à leur secours parce qu’on voulait les retirer de l’école pour les voiler et les marier. Des filles qui pensaient qu’il n’y avait pas d’autre échappatoire que le suicide. Il y avait beaucoup de suicides, alors que, jusque-là, ils étaient rares. L’indépendance avait fait espérer à ces jeunes filles qu’elles n’allaient pas continuer à vivre comme leur mère. Nos émissions avaient une audience considérable. Des journalistes étrangers en rendaient compte. Des médecins nous appelaient au chevet de celles qui rataient leur suicide et je me souviendrai toujours de cette fille qui était exsangue dans son lit, à l’hôpital, et son père qui ne cessait de lui répéter : "Ma fille tu nous as déshonorés". Devant cette accumulation de drames, je me serais sentie coupable de non-assistance à personnes en danger. Cela a été pour moi l’expression d’un cri pour venir au secours à toutes ces filles auxquelles on gâchait la vie, qu’on empêchait de vivre. »

A la sortie de ces deux livres, notamment le second, Fadéla M’rabet est l’objet d’un lynchage médiatique. Elle se rappelle : « On disait que j’incitais à la débauche, alors que je soutenais qu’on doit se libérer par la culture, par le travail, par l’instruction. »

Fadéla M’rabet est radiée en 1967 de son poste d’enseignante au lycée de garçons El Idrissi, elle a été ensuite réintégrée au lycée Frantz Fanon. Tarik, son mari, et elle n’avaient plus d’émission à la radio, ils ne pouvaient plus faire de reportages dans les journaux.« On ne pouvait plus s’exprimer. On voulait nous imposer une espèce de mort de la pensée. » Ils partent alors en France.

Pendant dix ans, Fadéla M’rabet n’est pas retournée en Algérie, n’ayant pu renouveler son passeport. En septembre 2003, elle a été invitée officiellement au Salon du livre d’Alger par la ministre de la Culture, Khalida Toumi. « J’ai été interviewée par la presse, la télévision, la radio. Cela fait plaisir d’être reconnue par les siens. »

« Un jour, nous serons libres »

Fadéla M’rabet s’insurge contre ce qu’on appelle les « valeurs arabo-islamiques » « sans jamais nous les définir ». « Est-ce que c’est une valeur de jeter une femme sur le trottoir ? Est-ce que c’est une valeur de spolier une femme de la moitié de l’héritage ? Est-ce une valeur la polygamie ? Est-ce une valeur de bafouer sans cesse la dignité de la femme ? », se demande-t-elle.

« Les valeurs arabo-islamiques, telles qu’elles m’ont été transmises, véhiculaient un art de vivre qui avait pour fondement l’humanité. Ce qui m’a été enseigné, ce ne sont pas des règles à respecter aveuglément, mais une façon de réagir en mon âme et conscience, seule, sans intermédiaire. »

Dans Une femme d’ici et d’ailleurs. La liberté est son pays, qui est sorti le 4 mars 2005 aux éditions de l’Aube, Fadéla M’rabet relève que « s’interroger, penser par soi-même, critiquer, c’est se mettre au ban de la société. S’exclure ... Chercher à être soi-même en se fondant sur son propre jugement peut conduire, en effet, à une autre conception du monde. Une conception moderne, scientifique, laïque. Qui distingue absolument le religieux du politique. Et ne conçoit pas que le religieux régisse, dans ses moindres détails, de la naissance à la mort, du lever du jour au coucher du soleil, la vie sociale, comme la vie privée. « Conception » diabolique, pour la plupart. Voilà pourquoi cette société figée empêche, ou tente d’empêcher, toute conscience singulière de se manifester, privilégie la tradition, et contraint chacun à l’observance la plus stricte de la loi : celle des ancêtres ».

« Un magnifique exemple de réalisation personnelle »

Sa grand-mère est le personnage central de son livre Une Enfance singulière.

Elle écrit : « Djedda m’insuffla le courage de me libérer. Veuve très jeune, elle n’a jamais voulu donner de beau-père à ses enfants. Du moins, c’est ce qu’elle disait. En tout cas, il nous était impossible d’imaginer cette force de la nature encombrée d’un mari. A ses côtés, il n’aurait été qu’un adversaire ou un nain. » (...) « Elle m’a donné un magnifique exemple de réalisation personnelle par l’activité sociale qui fut la sienne - la plus respectée de son époque : faire venir au monde des enfants. Non pas biologiquement, ce qui est à la portée de toute femme, mais par un savoir et un savoir-faire qui faisaient d’elle une grande prêtresse, une déesse de la maternité et de la vie. (...) Et moi qui ai vécu dans le milieu médical hiérarchisé, je peux dire que Djedda a eu plus de prestige qu’un mandarin de la faculté de médecine de Paris, parce que son travail était au service de la communauté, il était gratuit et désintéressé. » ... « C’est certainement la liberté d’esprit de Djedda qui m’a également permis d’assimiler deux cultures sans déchirements : je ne me suis jamais sentie écartelée entre deux mondes. » « Toute culture authentique est universelle. »

Elle nous raconte comment l’idée de ce livre lui est venue. En 1989, elle reçoit une invitation de féministes américaines qui voulaient l’inviter à un congrès international à Montréal et elles lui ont demandé de leur faire un exposé sur Simone de Beauvoir et le féminisme français. « J’ai répondu que malgré toute l’admiration que j’avais pour elle, Simone de Beauvoir n’était pas mon modèle féministe. J’ai proposé Djedda ma mémoire. Elles ont accepté. » Cette communication a débouché sur le livre Une enfance singulière... en Algérie.

« Il n’y a pas de modèle préétabli »

Lorsqu’à la faveur d’un débat, des jeunes filles beurs lui demandent si elles doivent se comporter comme des Françaises ou comme des Algériennes, elle leur répond : « Vous devez vous comporter en votre âme et conscience, sans conformisme, partout. » « Parce que toute personne est singulière et enrichira ainsi son pays et toute l’humanité », nous dit-elle. « Il n’y a pas de prototype, de modèle préétabli. Et ces filles quand je leur disais cela, j’avais l’impression qu’elles étaient soulagées parce qu’enfin quelqu’un ne les met pas dans un carcan. En Algérie, c’est pareil. »

L’espoir

La situation actuelle de l’Algérie, elle l’évoque avec nous en reprenant cette scène décrite par l’écrivain Anouar Abdelmalek qui raconte dans un de ses livres qu’un soir, dans une rue d’Alger, il aperçoit au loin une petite lumière, vers laquelle il se dirige. Il voit une petite fille en train de faire ses devoirs sur le trottoir à la lumière d’une lampe électrique à côté de sa mère. « Au Salon du livre à Alger, des journalistes m’ont demandé si je voyais un espoir. L’image de cette petite fille est à la fois d’une tristesse infinie, mais d’une extrême beauté parce que tant qu’il y aura une petite fille qui, contre vents et marées, contre les inondations, les tremblements de terre, continue à faire ses devoirs, l’espoir est permis. Cela veut dire que l’Algérie restera toujours debout. »

En 1965, - le propos n’a pas pris une ride depuis tant il reste d’actualité - , Fadéla M’rabet écrivait en conclusion de La Femme algérienne : « Il en est de la libération des femmes comme de l’indépendance nationale : elle s’arrache. Les colonisés, les prolétaires qui se sont libérés ces dernières décennies, ne doivent qu’à eux-mêmes leur salut ; c’est grâce à leurs luttes que les femmes, ailleurs, ont conquis la plupart de leurs droits. »

In El Watan

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