Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 septembre 2011 7 04 /09 /septembre /2011 10:17

nawfel BouzeboudjaNoufel est écrivain, poète et journaliste. Il a écrit son premier roman intitulé Espoirs Déchus à l'âge de 17 ans publié en France par Sefraber en 2008. En 2006, il publia en Algérie son premier recueil de poésie intitulé: Pensées Pensantes et un autre recueil: Algérie: Banquet des Nonchalances (Edilivre, France) en 2009. En 2011, il participa dans un ouvrage collectif au Danemark intitulé: Sønderho Havn, Antologi. Par ailleurs, il travailla comme enseignant d'anglais à l'université de Tizi Ouzou et aussi comme enseignant de français et d'arabe en Espagne. Il supervisa des ateliers d'écriture et de lecture et a participé dans plusieurs récitals et lectures collectives ou individuelles dans son pays et aussi en: France, Belgique, Espagne et Danemark. Il est depuis 2010 écrivain de l'organisation ICORN et depuis 2011 membre de l'Union des Ecrivains Danois. Il a écrit plusieurs articles dans plusieurs journaux et aussi fut le producteur et animateur d'une émission littéraire sur Radio Numydia basée aux USA. Polyglotte, Noufel écrit en kabyle, maghrébin, arabe, français et anglais.  Il vient de publier Du haut de nos potences chez Edilivre.

Portrait tiré du site Editlivre


Partager cet article
Repost0
4 septembre 2011 7 04 /09 /septembre /2011 10:08

nawfel-Bouzeboudja.jpg

Viens, frère

Assieds-toi à mes côtés

Dépoussière

Un petit peu ta mémoire

...

Ne laisse pas la nuit

Se lever sur ton histoire

Tu la conteras à tes enfants

...

Ne croyons plus à leurs dieux

Dieu-pétrole, dieu-pouvoir

Dieu-dollar, dieu-Stars

Pourquoi être héros

Victime ou bourreau ?

Vivre l’humain sans mystère

 

...

 

Dangereux sont les murs invisibles : Peurs

Concept de « Moi et l’Autre »

« Nous et les Autres »

La peur de l’autre

De sa différence

 

...

Du Boston Tea Party

A Saro-wiwa

G-8 et multiples défilés

Sauver l’Afrique

Pauvre-riche Afrique

Dieu-pétrole, gaz, diamants

Platine, chrome, charbon

Jeunesse, en abondant à l’abandon

C’est l’Afrique qui doit sauver l’Afrique

 

...

Défilé de barbus ventrus

Peignant d’une main gourmande

Une barbe épaisse, pleine et touffue

Esquissant des sourires

Vers des adolescents innocents

Prêts à éclater en mille morceaux

Par prosélytisme, dans un champ

...

 

Trinité philosophique

Religion, Capital et Pouvoir

Planifiant les contours du monde

Définissant les normes et les régissant

...

Nations lâches et perverses

Tendance innée de tromper

Nations traînant

Complexe incompréhensible

Complexe de l’individu

Du groupuscule

...

 

Monde animal et pervers

L’homme n’est plus homme

Animal-homme

 

La femme n’est plus femme

Femme-objet

Clips musicaux et publicité

 

Que dire des enfants abusés

Des rapports animaliers ?

 

Humains de mon espèce

Où est l’homme en l’homme ?

Je ne l’ai pas trouvé

 

Extraits de: Du Haut de nos Potences, Noufel Bouzeboudja.

http://www.edilivre.com/du-haut-nos-potences-bouzeboudja-noufel.html

Partager cet article
Repost0
4 septembre 2011 7 04 /09 /septembre /2011 09:41

azeffoun--.jpgLa ville de l’art et des artistes, sous l’égide de l’Assemblée populaire communale d’Azeffoun, vivra du 14 au 17 septembre prochain, au rythme de la deuxième édition des Journées des arts et de la poésie. Lancées l’année dernière par le comité des fêtes de la ville d’Azeffoun, les journées poétiques se veulent un lieu de rencontres, d’échanges et un cadre adéquat pour présenter les œuvres des jeunes poètes amateurs. Cette édition sera présentée sous le thème de la diversité. Quatre jours de poésie dans toutes les expressions utilisées en Algérie : amazigh, arabe et française. «Cette édition aura pour mission de promouvoir, valoriser la poésie kabyle dans sa diversité linguistique et encourager la recherche sur la création poétique. Elle ambitionne de renouer avec les fils de l’histoire poétique kabyle dans le respect de la pluralité afin que cette poésie se repositionne dans le contexte culturel humaniste de notre pays», a annoncé Sini Amar, vice-président à l’APC d’Azeffoun. Le comité organisateur rendra hommage à titre posthume au poète, journaliste et écrivain, Tahar Djaout, pour ses œuvres, avec la participation des poètes locaux. Parmi eux, on citera Amalou Abderrahmane, Fellag Saïd, Yahi Karim et Annaris Arezki, ainsi que d’autres poètes, chanteurs, musiciens et compositeurs venus de l’étranger, tels que Dominique Ottavi (Corse, France), Pedro Alédo (Espagne), Vanima Michel, Marie Robert et Yvan Tetelbom (France), Claudine Bertrand (Québec, Canada), Rocio Duran-Barba (Equateur), Sonia Bouliha (Tunisie) et Shah Hoseini (Iran). Ceci enrichira, sans doute, la scène culturelle locale et régionale. Le programme tracé à l'occasion de ce rendez-vous culturel, visant à promouvoir et à valoriser le patrimoine culturel local immatériel et à encourager les jeunes poètes, comporte également une série de conférences sur le patrimoine culturel en général et la poésie populaire en particulier. La journée d’inauguration sera rythmée par la poésie, la musique, le chant et la danse, au fil d’une déambulation qui mènera les festivaliers du centre culturel Tahar-Djaout à l’esplanade du front de mer, ou encore à la place des Martyrs, la salle des fêtes, sans oublier l’auberge de jeunes où aura lieu le dîner d’ouverture. La première édition avait connu l’an dernier un succès auquel les organisateurs ne s’attendaient pas vraiment.

 

Le Soir d'Algérie

Partager cet article
Repost0
1 septembre 2011 4 01 /09 /septembre /2011 20:02

La Mendiante d’Ali Lahrech est un récit rétrospectif où le passé, alourdi par les tribulations d’une mendiante pas comme les autres, pèse vigoureusement sur l’instant présent qui a éclos d’une rencontre fructueuse, mais aussi mélodramatique avec un personnage qui s’appelle Khalil, gardien de phare de son état.

Le roman d’Ali Lahrech, psychiatre de métier, part d’un état final, et au fil du récit, nous fait découvrir les soubresauts d’une mendiante percée d’une identité mise sur un piédestal de symbolique où l’éloge des qualités humaines, physiques et morales, la beauté, le sublime, la fierté… frôlent les limites du réel. En quête interminable de la lla-mendiante.jpgiberté et pour donner un sens de dignité à sa vie bafouée par la bêtise humaine, une jeune femme, Maria, musicologue de formation, se trouve en pleine rue, accompagnée de son garçon, Islam, alors âgé de quatre ans, à faire dignement de la mendicité. Un calepin que noircissait la mendiante, avec tact et d’un geste pesé, happe le regard de Khalil. C’est alors qu’il décide d’opérer une brèche dans son monde, mais celle-ci n’obtempère guère à cette incursion illégitime que Khalil incarne intrinsèquement, ne serait-ce que pour une journée, la mendicité. 

Un point névralgique, un instant infini où à la fois agent et patient, Maria, un personnage qui fait et défait son monde mais en même temps en subit ses affres d’où s’abreuve la soif de Khalil avec ses mille et une interrogations d’ordre épistémologique. Une famille massacrée par les phalanges du GIA, une jeune fille, alors âgée de 20 ans, est violée par une bête immonde au maquis, un énième viol s’ensuit par, cette fois-ci, une bête domestique dans une famille d’accueil, le sort de Maria est scellé. A travers le miroir de La Mendiante, Khalil livre une vision d’un monde meilleur, fait l’éloge des valeurs universelles.

Le narrateur, en même temps lecteur, ouvre des espaces dilatoires non pas pour décélérer la cadence du récit, mais pour nous décrire un espace où le décor et les personnages se fusionnent dans un bouillonnement syncrétique et nous font passer d’un niveau de lecture à un autre niveau de sémantique où dans l’enchevêtrement des drames tout retentit sur tout. Les lieux, la toponymie, les faits, la patronymie qu’évoque le narrateur ne sont pas gratuits. Ils mettent en exergue un paradoxe qui enflamme les fins fonds du narrateur.

El Watan

Partager cet article
Repost0
2 août 2011 2 02 /08 /août /2011 14:45

khadraL'équation Africaine, dernier roman de Yasmina Khadra, paraîtra le 22 Août prochain. Le magazine Jeune Afrique vient d'en publier en avant première un extrait. Nous le reproduisons ici : 

Bruno me rejoint sur la crête. Tous les deux, nous observons les ombres faméliques qui s’agitent dans le lit de la rivière, les unes cherchant un coin où dormir, les autres s’affairant autour de leurs proches esquintés par la marche. Je ne vois que des débris humains charriant dans leur sillage l’ironie du sort qui les a épargnés et portant à bras-le-corps une étrange conviction qui ne ressemble ni à leurs prières ni à un destin et qui semble les brancher à la vie comme à une prise de faible voltage. Curieux avatars, quelle vocation prêter à leur martyre ? J’essaie de trouver un sens à leur survivance et n’en trouve pas un seul. Ces gens ne possèdent rien ; ils sont au bout du rouleau, leurs lendemains ressemblent à des champs de mines et pourtant, par je ne sais quel triste phénomène, ils se cramponnent à n’importe quoi pour tenir le coup. Où vont-ils puiser la force de s’accrocher, la foi de croire au jour qui se lève aussi pauvre et misérable qu’eux ? Ils savent que ce qu’ils ont subi la veille les attend de pied ferme le lendemain, que le cycle de leurs peines tourne en boucle, que là où les hommes sévissent les dieux s’abstiennent d’intervenir ; ils savent tant de choses et font comme si de rien n’était, refusant le fait accompli et cherchant par-delà le Bien et le Mal une illusion à laquelle s’agripper, et qu’importe si elle est de cendre ou de fumée.

– C’est l’Afrique, monsieur Krausmann, me dit Bruno comme s’il lisait dans mes pensées.

– Ça n’explique pas un tel entêtement.

– C’est là que vous vous trompez, mon ami. Ces gens veulent vivre.

– Allons donc, vivre de quoi ?

– Là n’est pas la question. Ils veulent vivre, c’est tout ; vivre jusqu’au bout…Ça fait des décennies que je bourlingue à travers ce continent. Je connais ses vices, ses débâcles, ses brutalités, mais rien n’altère son désir de vivre. J’ai vu des gens qui n’avaient que la peau sur les os, et d’autres qui avaient perdu le goût de la nourriture, et d’autres jetés en pâture aux chiens et aux vauriens, pas un n’était prêt à céder. Ils meurent la nuit, et au matin ils ressuscitent, nullement dissuadés par la galère qui les guette.

– Et vous trouvez ça fabuleux ?

– Ça crève les yeux, non ?

– Étrange, je ne vois qu’une tragédie innommable et rien du crédit que vous lui accordez.

– L’Afrique ne se voit pas, monsieur Krausmann, elle se sent.

– C’est vrai qu’elle sent très fort…

Je l’ai vexé. Avec sa susceptibilité à fleur de peau, Bruno considère tout désaccord comme une déclaration de guerre, d’où sa promptitude à prendre ma réplique au premier degré. Mais je n’ai pas l’intention de rectifier le tir. Je suis persuadé qu’il sait à quoi je fais allusion. L’Afrique sent très fort. Son air est pollué par les miasmes des charniers, le remugle des cachots et l’odeur des carnages. C’est une évidence qu’il ne peut pas nier ou contester, car ce n’est pas en se détournant de l’horreur que l’on a des chances de l’éradiquer. Bruno doit admettre que ses certitudes ne sont pas des vérités, que ses prismes sont pipés. C’est précisément ce que je déplore chez lui : ce strabisme béat qui déforme son rapport aux choses africaines et qui confère aux supplices une vertu et aux platitudes un relief. Nous nous sommes souvent disputés là-dessus. Avant, je jetais l’éponge, lassé de devoir ramener le débat à sa stricte configuration tandis que Bruno exagérait ses contours et lui taillait des portes dérobées, allant jusqu’à trouver du panache à la décrépitude. Mais ce n’est plus le cas, désormais. Les centaures qu’il magnifiait pendant que nous croupissions dans la geôle de Gerima sont là, sous nos yeux, et je ne vois rien des mythes qu’ils sont censés incarner.

– Vous me décevez, monsieur Krausmann.

– Il ne s’agit pas de moi, mais de l’Afrique.

– Vous ne savez rien de l’Afrique.

– Laquelle ? Celle qu’on voit ou bien celle qu’on sent ? Concrètement, lui dis-je en le regardant dans les yeux, qu’est-ce qui vous fascine là-dedans ?

– Exactement ce qui vient de vous frapper à l’instant : la soif de vivre. L’Africain sait que sa vie est son bien le plus précieux. Le chagrin, les joies, la maladie ne sont que pédagogie. L’Africain prend les choses comme elles viennent sans leur accorder plus d’opportunité qu’elles ne le méritent. Et s’il est convaincu que les miracles existent, il ne les exige pas pour autant. Il s’auto-suffit, vous comprenez ? Sa sagesse amortit ses déconvenues.

– Vous avez dit sagesse ?

– Vous avez très bien entendu, monsieur Krausmann, martèle le Français de plus en plus en colère. C’est un être splendide, l’Africain. Qu’il soit assis sur le seuil de sa case, ou sous un caroubier, ou sur la berge d’une rivière infestée de crocodiles, il est d’abord en lui. Son cœur est son royaume. Personne au monde ne sait mieux que lui partager et pardonner. Si je devais mettre un visage sur la générosité, ce serait le visage d’un Africain. Si je devais mettre un éclat sur la fraternité, il aurait celui d’un rire africain.

– Et si vous deviez mettre un visage sur la fatalité ?… Arrêtez, Bruno. De quel royaume parlez-vous ? Et de quelle fraternité ? Seriez-vous aveugle ou daltonien ? Il ne suffit pas d’élever la misère au rang de la prophétie pour faire des damnés de la terre des Justes. Vous radotez, Bruno. Je ne connais pas mieux que vous l’Afrique, mais ce que je constate de visu est sans appel. Et je ne vois rien de ce que vous voulez me montrer… C’est par la protestation que l’on se réclame de l’espoir. Et ces gens ne protestent pas. Ils fuient quand il est question de résister. Ils ramassent en catastrophe leurs gosses et leurs balluchons et déguerpissent à l’aveuglette. La plus innocente tornade qui se déclare au loin les fait paniquer… Vous voulez que je vous dise ? Ces gens ne vivent pas, ils existent, et c’est tout.

– Vous avez tout faux, monsieur Krausmann. Ici, lorsque la vie perd du sens, elle garde intacte sa substance, à savoir cette opiniâtreté inflexible qu’ont les Africains de ne jamais renoncer à la moindre minute du temps que la nature leur accorde.

– Même un griot rirait de votre oracle, Bruno. Et savez-vous pourquoi ? Parce qu’il n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Lorsqu’on crève de faim, on se moque des éloges et des oraisons car rien aux yeux du jeûneur ne vaut l’illusion d’un repas.

– Nous ne regardons pas du même côté

. – Si… sauf que là où vous brossez un conte de fées, je vois un désastre.

– L’Afrique n’est pas que l’addition des famines, des guerres et des épidémies.

 

Extrait publié par Jeune Afrique

Partager cet article
Repost0
26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 08:58

khadraYasmina Khadra qui vient d'être récompensé du prestigieux prix de littérature Henri Gal de l'Académie Française, et invité à recevoir un autre prix Littéraire au bahrein, a accordé aujourd'hui un entretien exclusif au quotidien national Algérien Liberté. En voici la teneur :

Liberté : M. Khadra, vous venez d’être consacré deux fois en l’espace de quelques jours. Vous obtenez d’abord le Grand Prix de littérature, décerné par l’Académie française, et vous êtes convié au Bahreïn pour être honoré. Quel effet cela vous fait-il ?
Yasmina Khadra : ça me réconforte. Je ne suis pas aussi seul que je le pensais. L’Académie française me rétablit dans mon intégrité d’homme et de romancier. Et cela m’encourage à poursuivre ce que j’estime être une belle vocation. J’ai toujours été un homme d’honneur, et seuls ceux qui en sont dépourvus refusent de l’admettre. Quant au prix bahreïni, il m’offre l’opportunité d’élargir un peu mon audience dans cette partie du monde où je ne suis pas très connu. Il est rarissime qu’un pays arabe me consacre.

Le royaume du Bahreïn a connu des troubles très graves récemment. Redoutez-vous d’aller dans un pays où la stabilité semble fragile ?
Quand on vient d’Algérie, on peut se rendre n’importe où. Les Algériens se sont initiés à la pire des situations et, pourtant, nous continuons de croire et de rêver. Bien au contraire, je suis même curieux d’aller sur le terrain bahreïni tâter le pouls de ce pays pour lequel j’ai de la considération. Je connais Dubaï, Abu Dhabi, le Koweït et je trouve que le Bahreïn est une prouesse de la modernité et un exemple de tolérance et d’émancipation. Petit en surface, énorme par le cœur, le Bahreïn ne mérite pas ce qui lui arrive. C’est un dommage collatéral du “printemps arabe”. Certes, nous sommes ravis de l’éveil spectaculaire des peuples dits arabes, mais le Bahreïn n’a rien à voir avec ces soulèvements. À ma connaissance, il y a erreur sur la cible. Le Bahreïn est victime de son indulgence et de ses largesses. Parce que son roi accorde beaucoup de sa générosité, les intégristes chiites réclament plus, et leurs exigences dépassent l’entendement jusqu’à menacer la légitimité du trône. Le tapage médiatique outrancier, qui confond tout, a terni l’image de ce pays où la femme est la plus libre de la région, où l’éducation est une priorité absolue, où l’opposition existe depuis plus d’un siècle et où cohabitent sainement religions et croyances. J’ai été stupéfait de constater que la mosquée, la synagogue, l’église, jusqu’au temple bouddhiste vivent en harmonie à Bahreïn, ce qui est d’une rareté sidérante dans de nombreux pays musulmans. Me rendre à Manama me permettrait de comprendre davantage ce qui s’est passé dernièrement.

Quelle est votre vision de ce qui se passe dans les pays arabes ?
C’est d’abord un immense soulagement. On n’y croyait plus. Longtemps considéré comme un cheptel, nos peuples, avec l’ensemble de leurs composantes ethniques, sont en train de forcer le respect aujourd’hui. En Chine, en Amérique latine, en Europe, les laissés-pour-compte s’inspirent de notre colère pour “s’indigner” et réclamer plus d’équité et de considération. Cependant, nous devons nous méfier de ce qui se trame derrière cette ébullition populaire. Car les enjeux sont différents d’une nation à l’autre, et les euphories souvent sont aveuglantes. À titre d’exemple, les conséquences de la guerre civile en Libye pèseront lourd sur la stabilité de la région entière.

On ne vous entend pas beaucoup sur ce qui se passe en Algérie. Pourquoi ce silence ?
 Je suis intervenu au début, notamment sur de rares télés et radios françaises, mais lorsque je me suis aperçu que j’étais présenté comme un militaire, j’ai préféré m’abstenir. Dans la confusion programmée, la lucidité n’a pas sa place, et mes propos ont été déformés ou interprétés de façon malveillante sur certains sites algériens toujours prompts à sortir la tronçonneuse dès que je remue un muscle. Lorsque les esprits s’interdisent de changer d’avis, la sagesse voudrait que l’on n’insiste pas. Ce qui se passe en Algérie m’interpelle au plus profond de ma personne. Je suis attentif au moindre soubresaut et je m’inquiète des tournures que prennent les dialogues de sourds chez nous. J’attends du concret, et le concret se voile la face. On tourne autour du pot sans oser crever l’abcès. Par exemple, ces conciliabules qui s’enchaînent chez M. Bensalah à propos des réformes, qu’apportent-ils aux attentes du peuple algérien ? J’ai le sentiment d’assister à un casting. Les gens qui défilent chez M. Bensalah ne représentent qu’eux-mêmes. Ils ont échoué dans leurs missions et ont le tort de penser qu’ils sont encore utiles à quelque chose. Les vraies réponses sont ailleurs. Il faudrait écouter les harragas, les hittistes, les offensés, les “indignés”, tous les Algériens. J’ai appris que la communauté algérienne établie à l’étranger n’a pas été sollicitée. 
Or, elle recèle d’énormes potentialités, d’expériences louables. Il y a fausse donne quelque part, et je suis excédé par la redondance post-digestive qui caractérise ce débat qui devrait s’élargir à l’ensemble des susceptibilités politiques, sociales et culturelles algériennes. On ne fait pas un festin à partir des restes d’un repas consommé la veille. Nous avons besoin d’entendre d’autres sons de cloche, et les chansons que l’on nous ressasse à longueur des nullités sont en passe de nous rendre cinglés. D’ailleurs, ne le sommes-nous pas déjà un peu ? Il faut laisser s’exprimer les artistes, les consciences, les chercheurs, les universitaires ; ils sont les fibres sensibles de la nation, les vrais bâtisseurs de ses rêves et de ses ambitions. 
L’Algérie a besoin d’une expertise et non de bavardages oiseux et inféconds, d’un programme clair et net capable de stimuler les foules laborieuses. M. Bensalah aurait dû revoir la liste de ses interlocuteurs. L’exclusion nous a conduits droit dans le mur. Désormais, il va nous falloir ramasser nos morceaux avec un maximum de précautions. Nous voulons découvrir d’autres figures de proue. L’Algérie n’est pas ménopausée. Elle continue d’enfanter, et l’avenir ne s’opère que dans les aspirations des nouvelles générations. Il faut donner sa chance à tout Algérien en mesure d’apporter sa pierre à l’édifice national et cesser de croire que lorsqu’on n’est pas d’accord avec certaines choses, on est un ennemi. Je ne suis pas d’accord avec un tas de gens, aussi bien dans le pouvoir que dans l’opposition, et à aucun moment je n’en ai nourri une quelconque animosité. Lorsque mon fils ne partage pas mes idées, cela ne l’empêche pas de partager mes repas, ma vie et mon bonheur. L’Algérie appartient à chacun d’entre nous, et nous sommes tous, grands et petits, responsables de son devenir. Encore faut-il s’éveiller à cette responsabilité. Beaucoup de gens sont persuadés qu’incriminer les autres les absout de leurs torts. C’est archifaux. Ce charisme d’hercule forain qu’exhibent certains dirigeants et certains opposants me rappelle le galop aérien de ces chevaux de cirque qui se la pètent pour amuser la galerie. Nous n’en sommes plus là, désormais. Nous n’avons ni le temps de frimer ni celui de nous donner en spectacle. Il y a urgence. La mondialisation effrénée ne pardonnera pas aux traînards. Il existe, parmi les Algériens, des compétences à la pelle. Il suffit de s’effacer devant elles, de les “autoriser” à sauver les rares meubles qui nous restent. J’en ai rencontré des contingents en Europe, en Asie, aux Amériques. 
Ils sont banquiers, industriels, savants, chercheurs émérites, inventeurs. Tous portent l’Algérie dans leur cœur, et tous ne trouvent pas d’interlocuteurs pour faire bénéficier notre pays de leur génie et de leur savoir-faire. Nombre d’entre eux sont découragés dès lors qu’ils sont accueillis froidement dans nos ambassades. Un autre danger se profile à l’horizon. La montée virulente du racisme en Europe et les dangers qui gravitent autour de nos ressortissants pourraient, si les choses venaient à s’enfieller davantage, provoquer un retour massif de nos émigrés au bercail. C’est peut-être improbable, mais l’anticipation est la faculté de prendre une longueur d’avance sur le cours de l’histoire car un malheur est vite arrivé. Les lendemains sont des espaces en jachère, ils appartiennent à ceux qui savent les investir. Ce n’est pas en se contant fleurette qu’on aura des chances de se réveiller. Notre convalescence a trop duré, et dans la simulation grotesque qui est devenue notre sport national favori, nous manquons grossièrement de crédibilité. La question qui se pose à nous n’exige qu’une réponse à deux possibles : allons-nous enfin prendre au sérieux notre destin ou bien sommes-nous trop immatures pour n’en avoir cure ?

Partager cet article
Repost0
24 juin 2011 5 24 /06 /juin /2011 16:41

khadra

L'écrivain Algérien Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohamed Moulessehoul, a été consacré, ce jeudi 23 Juin, par le Grand Prix de littérature Henri Gal de l'institut de France que l’Académie Française discerne chaque année à un auteur pour toute son oeuvre. Ce prix bénéficie d'une dotation de 40.000 Euros, et fait partie d'un palmarès de 70 Prix que l'Académie France discerne à des auteurs.

Yasmina Khadra qui dirige actuellement le Centre Culturel Algérien à Paris est un ecrivain prolixe. Certaines de ses oeuvres ont été traduites dans plusieurs langues. En voici quelques unes :

 

 Ce que le jour doit à la nuit 
2008 - Julliard

 

 

 Les Sirènes de Bagdad 
2006 - Julliard

 

 

 L'attentat 
2005 - Julliard

 

 

 La part du mort 
2004 - Julliard

 

 

 Cousine K. 
2003 - Julliard

 

 

 Les hirondelles de Kaboul 
2002 - Julliard (Pocket 2004)

 

 

 L'imposture des mots 
2002 - Julliard (Pocket 2004)

 

 

 L'écrivain 
2001 - Julliard (Pocket 2003)

 

 

 A quoi rêvent les loups 
1999 - Julliard (Pocket 2000)

 

 

 Les agneaux du Seigneur 
1998 - Julliard (Pocket 1999)

 

 

 Double Blanc 
1998 - Baleine Paris

 

 

 L'automne des chimères 
1998 - Baleine Paris

 

 

 Morituri 
1997 - Baleine Paris

 

 

 La Foire des Enfoirés 
1993 - Laphomic Alger

 

 

 Le dingue au bistouri 
1990 - Laphomic Alger (Flammarion 1999 J'ai lu 2001)

 

 

 Le privilège du phénix 
1989 - ENAL Alger

 

 

 De l'autre côté de la ville 
1988 - L'Harmattan Paris

 

 

 El Kahira 
1986 - ENAL Alger

 

 

 La fille du pont 
1985 - ENAL Alger

 

 

 Houria 
1984 - Editions ENAL Alger

 

 

 Amen 
1984 - à compte d'auteur Paris

 

 

 

Pour voir tout le palmarès integral des prix, cliquez  ICI 

Partager cet article
Repost0
21 juin 2011 2 21 /06 /juin /2011 09:26

Le romancier et poète Anouar Benmalek s’apprête à publier à la rentrée, en Algérie et en France, Tu ne mourras plus demain. Un récit dans lequel il revient sur la mort de sa mère. L’auteur de Les Enfants de la balle (paru en 2010) se dit étonné par le silence de l’Algérie officielle sur les situations en Libye, en Syrie et au Yémen, où les dictateurs en place massacrent leurs populations pour rester au pouvoir.
Anouar Benmalek a participé dernièrement à Alger à une journée débat sur «L’autofiction dans la littérature contemporaine» organisée par la Délégation de l’Union européenne (UE).

anouar-benmalek.jpg

-Tu ne mourras plus demain est votre nouveau récit. Il sera publié au début de l’automne. Qui ne «mourra pas» demain ?

C’est mon premier texte personnel dans lequel la distance entre l’auteur et le narrateur est nulle. J’évoque le séisme qui a été pour moi la mort de ma mère. Pour chacun de nous, la mort de la mère renvoie à sa propre mort. On se retrouve dans ce qui nous attend tous : mourir. La seule consolation que vous pouvez trouver en tant qu’écrivain est écrire. Et quand on prend comme prétexte d’écrire à sa mère, mais en fait on écrit à soi, cela devient difficile. Difficile pour moi car, en général, je ne parle pas de moi, je prends le biais de la fiction qui ressemble à une espèce de pudeur due, probablement, à l’éducation et à notre civilisation. J’attends avec une curiosité inquiète la manière dont mes frères et sœur en particulier vont recevoir ce texte.

-Et pourquoi ce passage l’écriture personnelle ?

Je ne savais pas que la mort de ma mère allait m’affecter à ce point. La mère est toujours là avec vous et on pense qu’elle est éternelle. C’est la seule à qui vous pouvez toujours vous plaindre. Et quand elle meurt, vous découvrez la réalité de l’existence. Et la réalité de l’existence est qu’on meurt. La mort de la mère vous prive de tout appui. Vous assumez alors la responsabilité de votre destin. C’est aussi une tragédie, naître pour mourir. Les animaux, qui sont dépourvus d’intelligence, ne réfléchissent pas à cela. L’intelligence est un cadeau empoisonné. Pour moi, il était indispensable d’écrire ce texte. J’étais sur un projet d’un livre. Je ne pouvais plus continuer. J’ai alors arrêté. C’est simple : si je n’avais pas écrit Tu ne mourras plus demain, je crois que j’aurais cessé d’écrire. Ma mère a souffert le martyre dans un hôpital algérien. Elle a connu tous les problèmes que connaissent les Algériens dans les hôpitaux. Il n’y a pas de médicaments ! Et quand on en trouve, il faut courir le soir derrière un infirmier. Bref, l’horreur que tout le monde connaît.

-Justement, pourquoi ne pas écrire sur les hôpitaux ?

Je ne m’attendais pas à cette question (Rire) ! Attendez, j’ai toujours été sévère envers les hôpitaux dans mes romans. Dans Les amants désunis, par exemple, il y a un passage sur les hôpitaux. Entre nous, la réalité dépasse la fiction dans les hôpitaux algériens. J’ai vu de mes propres yeux, à l’hôpital d’Alger, un agent poser le pain destiné aux malades par terre le temps de s’essuyer les mains et de reprendre le même pain ! Je n’arrivais pas à en croire mes yeux. Pire, j’ai payé un infirmier pour qu’il me ramène un drap pour ma mère malade, dans un hôpital à Alger. Si vous me branchez sur les hôpitaux algériens, je n’en finirais pas !

-Etes-vous inspiré par ce se passe actuellement dans le monde arabe comme révoltes populaires contre les dictatures ?

A mon avis, c’est l’un des événements les plus importants de ces 200 dernières années pour le monde arabe. C’est la première fois que le monde arabe découvre qu’il a droit à la dignité. C’est un événement extraordinaire. On ne se rend pas compte de cela. Je dois dire que j’ai honte pour mon pays, l’Algérie. L’Algérie, qui a gagné sa guerre d’indépendance les armes à la main, et qui ne dit rien d’explicite contre un dictateur comme Mouamar El Gueddafi, contre un Bachar Al-Assad qui bombarde sa propre population en Syrie, contre Ali Abdallah Salah qui n’a pas hésité à tirer contre les foules au Yémen, contre le Bahreïn où la révolution a été, pour l’instant, vaincue et les responsables condamnés à mort…

-Comment expliquer ce silence des autorités algériennes ?

Le silence du cartel des dictateurs se comprend. Il est normal que les dictateurs se soutiennent entre eux,  que ce soit les dictatures molles, comme l’Algérie, ou les dictatures dures, comme la Syrie. Il y a une certaine apathie de l’Algérien ordinaire qui ne sort pas dans la rue pour  exprimer sa solidarité.Cela fait mal au cœur. Il est vrai que l’Algérien a beaucoup souffert. Les quinze dernières années ont été terribles. Cela dit, nous devons, nous peuple algérien, soutenir les peuples arabes. Le monde commence à nous regarder d’un autre œil. Nous ne sommes pas condamnés à vivre dans l’indignité. Nous pouvons regagner notre place dans la civilisation.
Rendez-vous compte : les Chinois ont interdit la culture du jasmin ! Ce mot jasmin commençait à évoquer un peu trop les révolutions du monde arabe. Les indignés en Espagne ont pris comme exemple, parfois, les révoltes tunisienne et égyptienne.
Pour la première, nous commençons à être pris, non pas comme un objet repoussoir, mais comme un exemple. Cela est déjà énorme. Nous ne sommes pas condamnés à vivre avec des dirigeants qui n’ont que mépris pour leurs peuples.

El Watan

Partager cet article
Repost0
18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 07:34

le mensonge de dieu

Barcelone, été 1936
– Tu sais nager ? 
– Oui. 
J’ignore pourquoi j’ai répondu oui. L’orgueil du mâle, sans doute. Oui, je crois bien que c’est ça. Qu’aurait pensé Noah ? Je n’avais jamais appris à nager, et je crois bien n’en avoir jamais éprouvé l’envie. 
– C’est parfait. Nous avons ainsi, toi et moi, échappé à l’insoutenable frustration allemande. À leur nostalgie aussi, hélas. L’inconsolable absence de la mer ! Tu ne comprends pas ? Je sais, c’est encore une de mes lubies philosophiques. Mais parfois, je me dis qu’étant aussi de sang allemand, nous sommes supposés, toi et moi, ressentir une tendre inhibition, une belle nostalgie, que cache le peuple allemand sous une apparente dureté. Leur poésie magnifiquement blessée la trahit souvent. Leur musique aussi. Tu ne crois pas ? Ou alors tu ne veux plus te souvenir de Dresde. De Dresde et de son orphelinat. Je ne savais pas de quoi elle parlait. Je n’écoutais pas. Je ne regardais que ses lèvres remuer. Elle parlait, et moi je regardais ses lèvres. 
– Je vois. Tu n’as rien remarqué de la nostalgie allemande. Dommage ! Moi j’y pense toujours ! Pour moi, l’explication est dans l’absence de la mer. La mer, chimère éternelle, suggestive, promesse d’aventures, de liberté, de jeunesse ! L’Allemand en est amputé, et il s’en plaint par ses poètes. Pour un Méditerranéen, accoutumé au voisinage de la mer, cette nostalgie n’agit pas, ou alors, elle n’est jamais aussi absolue, douloureuse, comment dire ? désenchantée ! C’est ça, désespérée. Tu ne crois pas ? Non, tu ne veux plus te souvenir de Dresde ! Peut-être as-tu raison. Nous deux, il nous suffit de l’absence de la mère ! Je ne sais pas pourquoi elle a dit ça. Je m’en foutais, de la nostalgie allemande. 
J’admirais son corps. 
Elle caressait un géranium. […] 
Je ne disais rien. 
Nous étions seuls dans le jardin d’Estéban, j’admirais son corps si bien proportionné pendant que me parvenait, du patio, la voix de Samuel qui m’angoissait. «Mais sais-tu ce qu’est une guerre civile, Maria ?» 
Noah me dit d’une voix douce : 
– Alors, puisque tu sais nager, on ira se baigner. C’est presque l’été ! Il promet d’être beau ! 
– Je ne sais pas… 
– Pourquoi dis-tu «je ne sais pas» ? 
Tu es triste, on dirait… 
Maria avait répété dans son sanglot : «Tu vois une autre solution ?» 
Noah me jeta un regard réprobateur, désignant la tablée du menton. 
– Tu es triste à cause de ce que disent Maria et Samuel ? Samuel avait levé les bras au ciel : «Alors le frère va tuer le frère !» Je pris Noah par la main. 
– Oui, à cause de ce qu’ils disent. 
C’est presque l’été, hélas ! 
– Pourquoi dis-tu «hélas» ? 
– Parce que, cet été qui vient, on va regretter qu’il soit venu ! […] 
Ton été ne vint pas, Noah. Nous l’aurions passé à rire de nos angoisses d’orphelins. Ce fut l’autre qui s’empara de nous, l’autre été que nous avons passé à pleurer nos chairs calcinées, à pleurer Lorca fusillé, à pleurer notre jeunesse confisquée, oui, à pleurer et à nous battre. Ce fut cet autre été, puis un autre, puis un autre, trois étés et trois hivers dans l’Espagne coupée en deux, l’Espagne de l’imberbe république face à l’Espagne des ténébreuses casernes, l’Espagne face aux sacristies de la trahison, un demimillion de morts, Madrid seule et solennelle, Madrid sauvée par les amours miliciennes, la pasionaria jurant No pasarán ! Madrid de nouveau seule et solennelle, le chico épuisé, une honorable goutte de sang sur son sourire, et le poète qui lui disait : «Sois seul et en éveil entre tous les morts, et que le sang tombe sur toi comme la pluie.» Et moi au milieu de toute cette tourmente. (…) Je t’avais écrit de la caserne de Pedralbes à Barcelone, lors de cet autre été qu’on n’attendait pas, une dizaine de jours après le putsch. J’étais combattant dans la milice du syndicat anarchiste la Confederación Nacional de Trabajadores. J’avais joint une photo, debout avec mon arme, ma deuxième arme, un mauser. Il te portera chance, m’avait dit le lieutenant, il est fabriqué chez nous, à Oviedo. On venait de conquérir la caserne de Pedralbes. C’est toute une histoire, la caserne de Pedralbes. L’histoire d’un miracle. Celui, inimaginable, que peuvent créer des mains d’hommes et de femmes bataillant pour cette chose étrange et sacrée qu’on appelle la liberté. L’histoire de ma première bataille. C’était une belle nuit étoilée dans Barcelone. Je voulais m’engager dans le camp républicain et je m’étais retrouvé dans Barcelone, sur la rambla de Santa Mónica. Pourquoi Barcelone ? Peut-être parce que, ne sachant quel train prendre, j’avais pris celui de mon enfance, le train bringuebalant, inconfortable, que nous prenions, Gabriìl et moi, pour aller voir Joséphine à l’hospice de Strasbourg. Sur la rambla de Santa Mónica, sous une grande enseigne, «Syndicat des transports», un homme haranguait la foule : 
– Le gouvernement refuse d’armer le peuple et l’affrontement est pour cette nuit. Que chacun se procure une arme ! Là où il peut ! En attaquant des armureries s’il le faut ! Que faire ? J’ai remonté l’esplanade de la rambla de Santa Mónica en direction de la place de Catalogne. À hauteur de la rue Fernando, un groupe de jeunes gens sortaient de l’armurerie Berintany avec des fusils de chasse et quelques revolvers. C’étaient les premiers ouvriers que je voyais armés. Je voyais le sort devenir irréversible, je voyais un peuple décidé mais tourmenté, qui se préparait à la mort, la mort pour la République, un peuple mal armé, seul face au temps, seul face aux militaires, à quelques heures d’une Saint- Barthélemy. C’était une belle nuit étoilée. La lune regardait les hommes et une brise était venue rafraîchir cette bouleversante nuit de juillet. Le miracle se produisit à cinq heures du matin. Le speaker de la radio venait d’annoncer d’une voix tremblante : «Citoyens de Barcelone, à l’heure où je vous parle, les troupes d’infanterie marchent vers vous ! Ils sont dans l’avenue Diagonal ! Le combat est pour bientôt ! Chacun à son poste ! » Puis mugirent les sirènes des navires. C’était le signal de l’arrivée prochaine des troupes insurgées. C’était aussi le signal de la mort. Le miracle se produisit à cinq heures du matin lorsque le gendarme, mousqueton à l’épaule, me lança un regard ému. C’était comme un regard de compassion, le regard qu’on jette au condamné à mort à l’heure du supplice. Je lui souris et lui, visiblement attristé, me rendit un sourire gêné.
– Español ? Francés ? 
– Argelino ! 
– Argelino ? 
– Sí ! 
– Qué país ? 
– Argelia ! 
– Argelia… 
Son regard bienveillant m’avait décidé. De la tête, je désignai sa seconde arme. Son regard glissa alors jusqu’à la cartouchière à laquelle était fixé son revolver. Un éclair de tendresse alluma ses yeux. Il me regarda de nouveau, me sourit d’un air confus, réalisant qu’il avait une arme de trop et, bravant la discipline, dégaina son revolver et me le tendit d’un geste résolu. Les autres gendarmes, surpris et soulagés, l’imitèrent aussitôt. En un clin d’œil 
– l’œil attendri de mon gendarme 
– trois cents personnes étaient armées ! La révolution pouvait commencer. 
Ma première bataille fut une bataille de barricades. (…) 
Non, ton été ne vint pas, Noah. Ce fut l’autre qui s’empara de nous.

 

 

Vous pouvez savoir davantage sur ce roman en cliquant ici ----> : Le mensonge de dieu

Partager cet article
Repost0
18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 07:28

le-mensonge-de-dieu.jpgLe dernier roman de Mohamed Benchicou, Le mensonge de Dieu , (mai 2011, Michalon), sort cette semaine à Alger (Editions Koukou et Inas). Lecture d’un livre qui pourrait ne pas laisser indifférent. On avait laissé Mohamed Benchicou, dramaturge avec son livre Le dernier soir du dictateur, on le retrouve romancier avec Le mensonge de Dieu. Haletant et épique, ce roman brosse un siècle et demi d’histoire d’une famille algérienne. Avec Le mensonge de Dieu, l’auteur plonge dans le passé de notre pays comme aucun auteur ne l’avait fait jusqu’à présent. Il y a quelque chose de neuf, de subtil, de profond dans la construction de cet épais roman. Le style est dense, enlevé, le lyrisme féroce et le récit bourré de rebondissements et de faits historiques. Tout part du cimetière d’El Kettar où Yousef, un mendiant, a trouvé refuge parmi les morts. Tout un symbole. Puis l’auteur déroule la saga d’une famille qui remonte jusqu’au XIXe siècle. «L’histoire d’une vieille folie de sang, une folie de l’honneur», confie le mendiant qui a tout consigné dans un cahier blanc, «dernier pied-de-nez aux prophètes contrefacteurs, intronisés par le mensonge qu’ils ont fait dire à l’histoire et à Dieu». L’amour, la séparation, l’orgueil, les révolutions, la mort, la trahison, on y retrouve tous les ingrédients d’une énorme fresque écrite avec une plume tantôt tendre, sensible et tantôt féroce et irrévérencieuse. Au commencement, il y a Belaïd, l’ancêtre, «l’irréductible tombeur de femmes», le digne fils de Tizi n’Djemaâ jeté dans les conflits de son siècle. Ici, la chronique se joue du temps et des hommes. Par flash-back, le romancier nous prend la main pour nous emmener sur plusieurs théâtres de guerres qui avaient ensanglanté le monde. D’abord Colmar, où Belaïd s’est engagé aux côtés des Allemands de Bismarck contre les troupes de Napoléon III, par amour pour Joséphine, une Alsacienne qui enseignait à Akbou. La guerre finie, Belaïd l’apatride, l’amoureux éconduit, reprend le chemin de sa quête et par là même ouvre les portes de l’errance à sa descendance. La recherche d’une «patrie fugitive» consuma vainement toute sa vie. Décidé à se battre pour lui-même, on retrouve, au printemps 1871, l’aïeul à Tizi n’Djemaâ. Belaïd est devenu soldat de Dieu et rejoint les résistants kabyles qui se battaient contre les troupes du maréchal Mac Mahon. Ici encore, le romancier se fait historien et nous apprend que les héros ne sont pas ceux que l’histoire officielle nous a appris. Puis il y a Gabril dans l’enfer de Verdun. Aux côtés d’Abdelkrim, le Rebelle, dans la guerre du Rif, des Brigades internationales contre les «ombres noires» de Franco, pendant la Seconde Guerre mondiale, on retrouve Yousef, l’autre apatride et petit-fils de Belaïd. Yousef, toujours en quête d’un pays introuvable, c’est aussi le mendiant d’El Kettar qui lègue le cahier blanc dans lequel l’histoire de la lignée de Belaïd est consignée. C’est dire que cette famille et sans doute l’Algérien s’est retrouvée depuis plus d’un siècle au carrefour de toutes les guerres. Celles des autres peuples d’abord, puis les siennes. «Le fond historique de ce roman est réel. Les personnages, eux, ont dû exister», écrit le romancier en guise d’avertissement. Le mensonge de Dieu est ce chant élégiaque d’un homme, le mendiant d’El Kettar, et par extension de l’auteur, pour son peuple. «Les morts ont tort Yousef si après leur mort, il n’y a personne pour les défendre», cette phrase nous fait penser à cette autre restée pour la postérité, prononcée par Didouche Mourad : «Si nous venons à mourir défendez notre mémoire.» Que d’amour, d’étreintes furtives, de retrouvailles et de séparations au milieu de la mitraille et de l’acier ! Par une construction romanesque ingénieuse, Mohamed Benchicou nous emmène sur plusieurs lieux tout aussi marquants les uns que les autres. Dense, Le mensonge de Dieu déroule le fil d’une lignée de combattants oubliés. Et à travers eux, c’est sans doute l’apport de l’Algérien à la grande histoire du siècle dernier qui est ici réhabilité. Ce serait une gageure que de tenter de résumer en quelques lignes ces 650 pages pavées de sensibilité à fleur de peau, de colère, de coups de gueule et de poésie. Le mensonge de Dieu est un grand moment de littérature. Comme jamais, Mohamed Benchicou a mis les mots du romancier qu’il est sur les sanglots de notre histoire. Il nous réconcilie avec un pan du passé oublié, ignoré, manipulé, voire effacé. Plus qu’un roman donc, ce livre est un long poème polyphonique, pluriel où l’imagination rejoint certains faits historiques. La bravoure, la lâcheté sont écrites d’une même encre, ravageuse et sans concession. A propos du livre, l’auteur déclarait sur France Inter que ce roman «est une chronique d’un vieux rêve d’un peuple parti à la recherche de la lumière… ». Et dire que la censure triviale, oblique du pouvoir a failli avoir raison de son édition en Algérie. Sous des prétextes inconsistants, les lecteurs algériens ont failli être privés de ce roman par des procureurs de la conscience tapis dans les étages sombres du régime.

Le Soir d'Algérie

Vous pouvez lire un extrait du roman en cliquant sur ce lien ---> EXTRAIT

Partager cet article
Repost0

 

Commandez, vous aussi, "Le musc et le fichu " de Moussa Tertag chez

EDILIVRE

Rechercher